mardi 13 février 2007

Percussionniste spécialiste des Musiques Afro-cubaines


Maître-joueur de tambours, âgé de 58 ans, Alberto Villarreal Peñalver est un des musiciens de folklore les plus expérimentés de toute l'île de Cuba. Il joue aussi bien dans les rituels avec son propre ensemble réputé, que dans la plus grande troupe de ballet folklorique du pays, le Conjunto Folklórico Nacional, dont il est le directeur musical depuis 1980.
Cette institution, créée au début de l'année 1962, regroupant actuellement 109 artistes (danseurs, chanteurs, musiciens, chorégraphes…) n'est pas seulement une troupe de spectacle. C'est également une sorte d'académie supérieure des musiques et des danses traditionnelles cubaines de tous styles, dans laquelle les plus talentueux des jeunes musiciens et danseurs du pays viennent à la fois pour de nombreuses performances (et le cas échéant évoluer sur les scènes du Monde entier), et pour parfaire leur éducation dans les styles de folklore pour lesquels il ne sont pas forcément spécialistes.
C'est dans ce cadre qu'Alberto enseigne la percussion, toujours au sein du Conjunto Foklórico Nacional.

Alberto est également un personnage central du livre de Katherine Hagedorn, "Divine Utterances - The Performance of Afro-cuban Santeria", ethno-musicologue enseignant au Pomona College de Los Ángeles et travaillant pour le Smithsonian Institute, dont le livre a reçu le "Merriam Prize for best ethnography written in 2000-2001".

Alberto enseigne dans divers contextes à la fois, utilisant au besoin plusieurs formes de pédagogie: à ses fils, qui officient avec lui dans son orchestre rituel, et apprennent comme on apprend "dans la rue", de la façon la plus traditionnelle qui soit; il est formateur des jeunes artistes talentueux du Conjunto Folklórico Nacional, et, dans un troisième contexte, il enseigne également à des étrangers depuis au moins 15 ans, puisque dès son accession au statut d'enseignant au CFN, il a officié dans le cadre des sessions internationales de Folkuba, dans lesquelles des percussionnistes du monde entier viennent étudier le folklore cubain.

Lexique explicatif des termes utilisés

(Crédits Photo: Revue Percussions)


Tambours Batá:
Instruments principaux des rituels des esclaves Yoruba de Cuba originaires du Nigeria. Avec les chants, ils permettent la transe de possession des initiés par les dieux de la religion afro-cubaine dite "Santería".
Le mot "tambour" ou "tambor de fundamento" qualifie également un orchestre de tambours batá consacrés, habilités à jouer dans les cérémonies.

(Musique abakuá par le Conjunto Folklórico Nacional dans les années 1970)


Abakuá:
Sociétés secrètes des esclaves du Calabar (sud-est du Nigeria), réservée aux hommes, dont les principes fondamentaux rappellent la franc-maçonnerie. Ces sociétés, pourtant ouvertes aux blancs dès les années 1870, sont restées fermées et ont été interdites (et persécutées) par le pouvoir colonial car elles constituaient des foyers indépendantistes à la fin du XIXe siècle.

(La baie de La Havane au XIXe siècle)


Regla, Guanabacoa, Marianao:
Quartiers autrefois marginaux de La Havane, situés "au-dehors des murs", quand il existait encore "la muralla" (fortifications) au XIXe siècle. Une fois les "Cabildos" (endroits de tolérance de la pratique des cultes pratiqués par les différentes nations africaines représentées parmi les esclaves) relégués extra-muros, ces quartiers sont devenus les endroits privilégiés de la ville où la pratique des religions afro-cubaines a été libre.

(Vue aérienne de la baie de La Havane: à l'ouest la vieille ville, à l'est Regla puis Guanabacoa)


Regla était le quartier par où les esclaves étaient débarqués d'Afrique, puis étaient "parqués". Guanabacoa, plus à l'est, était un ancien village indien caraïbe où la population noire était majoritaire.

Guanabacoa, le quartier où est né Alberto, a été fondamental pour au moins trois cultes afro-cubains: Yoruba, Abakuá et Congo. Dès 1835 les premières institutions religieuses afro-cubaines fortes se fondent, rachetant la liberté des esclaves arrivant d'Afrique qui sont des dignitaires religieux. Une Afrique en miniature s'y re-crée.

Peinture symbolisant les processions des confréries yoruba de Guanabacoa (on voit bien ici la vieille ville de l'autre côté de la baie, Regla derrière les musiciens, et la citadelle fermant la baie sur la droite). Les éléments de la nature sont présents, figurant les champs de Guanabacoa, située à la limite de la ville et de la campagne, et le lien fort entre l'homme et la nature chez les Yoruba.